Licenciement du chauffeur routier pour retrait de permis pour des faits commis en dehors de son temps de travail

Licenciement du chauffeur routier pour retrait de permis pour des faits commis en dehors de son temps de travail

 

Par vanessa.djurovic le 23/09/13

Le chauffeur routier, dont le permis a été suspendu pour des infractions commises en dehors de son temps de travail (pendant ses périodes de repos, ou ses vacances), ne peut plus, de ce fait, exécuter son contrat de travail. 

Quel licenciement envisager ? 

La jurisprudence semble désormais fixée, seule est envisageable un licenciement pour cause réelle et sérieuse. 

Selon un arrêt du 10 juillet 2013 de la Cour de Cassation, l'employeur ne peut pas licencier son salarié pour faute grave, du fait de son retrait de permis pour des faits commis en dehors de sa vie professionnelle. 

La cour de Cassation a jugé que: 

« Mais attendu qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail. » ( Cass. soc. 10.07.2013, n° 12-16.878) 

L'employeur pourra licencier son chauffeur pour cause réelle et sérieuse, le fait pour ce dernier d'avoir perdu son permis de conduire constituant un trouble au bon fonctionnement de l'entreprise. (Cass. soc. 24.01.2007, n° 05-41.598 ; Cass. soc. 01.04.2009, n° 08-42.071) ; 

A cela, un récent arrêt de la Cour d'Appel de Versailles semble venir ajouter une condition supplémentaire tenant au respect de l'Accord du 13 novembre 1992. 

La cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 21 juin 2012, n° 10/05800 : juris data n°2012-014948) sanctionne l'employeur pour n'avoir pas respecté la procédure conventionnelle imposant un entretien spécifique et préalable à tout licenciement d'un chauffeur du secteur du transport routier s'étant vu suspendre son permis de conduire. 

Elle a jugé que le licenciement pour motif personnel du salarié, chauffeur manutentionnaire, exerçant les fonctions de conducteur poids lourd, en raison de la suspension de son permis de conduire, était dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

En effet, l'employeur ne s'était pas conformé aux dispositions de l'accord collectif, devant nécessairement précéder la décision de licenciement, portant diverses mesures sociales d'accompagnement des dispositions relatives au permis à points, attaché à la convention collective des transports routiers, prévoyant que la suspension du permis de conduire n'entraîne pas rupture automatique du contrat de travail du salarié occupant un emploi de conducteur, à condition que le salarié ait immédiatement informé son employeur de la mesure dont il a fait l'objet.L'employeur ne justifie pas avoir respecté son obligation d'engager une concertation avec son salarié et d'avoir dans ce cadre envisagé avec lui les éventuelles possibilités de reclassement. 

Rappelons que selon le protocole d'accord du 13 novembre 1992, le chauffeur peut demander l'autorisation à son employeur, suite au retrait de son permis de conduire du fait de la perte de points, de suivre un stage de formation pour les récupérer. Du fait de cette demande d'autorisation, l'employeur ne peut plus sanctionner son salarié de ce fait. 

Cette autorisation d'absence est accordée par écrit au salarié qui en a fait la demande, sous la condition d'un délai de prévenance d'un mois avant le déroulement du stage. Un report du stage est cependant possible, dans la limite d'une fois.Ce stage, dont le coût est normalement supporté par le salarié, peut faire l'objet d'une prise en charge dans le cadre du fonds spécial professionnel "permis sécurité" (Prot. 1992, art. 1er, § 3) 

L'article 2, paragraphe 1 des protocoles de 1992 et 1993 indique que cette mesure administrative n'entraîne pas, en tant que telle, une rupture automatique du contrat de travail du conducteur salarié, dès lors que le travailleur en a prévenu son employeur au plus tard le jour suivant la date de notification de la suspension ou de l'invalidation. Une concertation doit s'engager entre l'employeur et le salarié. L'employeur peut proposer de reclasser le salarié à un poste immédiatement disponible. À défaut, il peut lui proposer de prendre immédiatement ses congés et repos. Un accord peut aussi être trouvé pour suspendre l'exécution du contrat de travail. Enfin, en dernière solution, un licenciement peut être engagé, dans le respect des règles accordant au travailleur le versement des indemnités légales et conventionnelles de licenciement, mais non pas celles qui viendraient compenser l'exécution d'un préavis, le conducteur étant dans l'impossibilité de tenir son poste (Prot. 1992 et 1993, art. 2, § 4). 

Conclusion, en cas de retrait de permis pour des infractions commises en dehors de la vie professionnelle, l'employeur ne pourra envisager en principe qu'un licenciement pour cause réelle et sérieuse, et non un licenciement disciplinaire, il devra en outre faire la preuve de ce qu'il a respecté les dispositions de l'accord du 13 novembre 1992, à savoir son obligation d'engager une concertation avec son salarié, et notamment envisager avec lui les possibilités de reclassement, dès lors que le salarié l'avait immédiatement informé de son retrait de permis. 

 

Publié le 01/10/2013

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